1. Délai de 6 mois : la responsabilité du notaire Le premier réflexe et démarche en cas de décès d’un proche est de prendre rendez-vous chez un Notaire pour règlement de la succession.
Le Notaire mandaté va alors constituer le dossier, notamment s’assurer quels sont les successibles (= les personnes héritières), vérifier la consistance du patrimoine successoral et effectuer d’autres formalités diverses dont les modalités et l’importance échappent totalement au client non professionnel.
Il arrive fréquemment que des difficultés surviennent et que le dossier « traine ». Le client rappelle mais souvent en vain… et les délais s’allongent. 1.1. Le délai de 6 mois Les héritiers pensent la plupart du temps au partage entre eux mais ignorent un délai absolument impératif dont le Notaire doit les informer.
Ce délai court de façon générale à compter du décès : c’est le délai de 6 mois pour déposer la déclaration de succession.
Et ce délai arrive de fait très rapidement à expiration…
Résulte en effet de la combinaison des articles 641 et 800 et suivants du code général des impôts, que “les héritiers, légataires ou donataires, leurs tuteurs ou curateurs”, sont tenus, en vue de la perception par l’administration fiscale des éventuels droits de mutation, de faire enregistrer auprès de cette dernière, dans les six mois du décès, une déclaration détaillée “des biens à eux échus ou transmis par décès”.
Cette formalité doit intervenir dans les délais prescrits par le code général des impôts mais doit concomitamment être assortie de paiements provisionnels des droits de mutation éventuellement dus, communément appelés droits de succession, le dépassement de ces délais faisant encourir aux successibles des pénalités et intérêts de retard.
Il existe cependant une possibilité de solliciter auprès de l’administration fiscale un paiement différé ou fractionné en cas d’impossibilité de règlement immédiat ou en totalité.
Cette déclaration de succession est rédigée et déposée après accord du client par le Notaire mandaté. 1.2. En cas de dépôt tardif ou d'absence de dépôt, le notaire est-il responsable ? En matière de conseil, il est de jurisprudence constante que le notaire est personnellement tenu d’informer les héritiers de leurs obligations vis-à-vis de l’administration fiscale notamment en ce qui concerne le dépôt d’une déclaration de succession et de l’obligation de verser au moins un acompte sur les droits.
En matière de devoir de diligences, le Notaire est personnellement tenu d’accomplir les démarches utiles pour respecter le délai précité et s’assurer de l’exactitude de la déclaration de succession.
La responsabilité professionnelle du Notaire peut donc être mise en cause pour manquement du Notaire à ce double devoir d’information et de diligences pour obtenir réparation du préjudice subi.
L’arrêt soumis à la censure de la Cour avait rejeté la demande du client de voir la responsabilité du Notaire engagée aux motifs notamment que celui-ci ne rapportait pas la preuve d’un manquement du Notaire à son devoir d’information.
La cassation était inévitable car la Cour d’Appel a inversé la charge de la preuve.
CASS. 1RE CIV., 8 DEC. 2021, N° 20-20.284
En effet en matière d’obligation d’information et de conseil c’est au Notaire de prouver sa bonne exécution en se préconstituant des preuves de ses diligences.
Preuve des diligences du Notaire :
Le Notaire informe par courrier son client de la nécessité de souscrire une telle déclaration, fut-elle provisoire, des délais et de l’obligation de verser un acompte sur les droits sans que cela implique une acceptation de la succession.
Il l’informe d’autre part des risques de pénalités fiscales résultant de l’inexécution de cette obligation.
Cette information doit être donnée en début de mandat.
Faute de preuve par le Notaire d’information utile et dans les délais :
Encourt la cassation l’arrêt qui, pour exonérer un notaire de sa responsabilité professionnelle, retient qu’il avait effectué des démarches auprès de l’administration fiscale en vue de l’obtention d’une prorogation de délai pour le dépôt de la déclaration de succession et que l’héritier n’avait pas fourni au notaire les fonds nécessaires à un tel dépôt en dépit de la lettre de mise en demeure qui lui avait été adressée par l’administration, alors qu’à la date à laquelle il avait reçu cette mise en demeure, le délai de six mois pour déposer ladite déclaration était expiré sans que le notaire ait personnellement averti son client des sanctions encourues au titre de la méconnaissance de ce délai.
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 26 novembre 2002, 99-17.745, Publié au bulletin 1.3. Délai de 5 ans pour assigner le notaire en responsabilité On rappellera qu’au visa de l’article 2224 du code civil : les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 octobre 2021, 19-19.409, Inédit
2. Comment obtenir un report du délai de déclaration de succession ? La consultation d’un Avocat spécialiste en succession permet souvent de débloquer le dossier.
L’Avocat prendra bien évidemment attache avec le Notaire en charge de la succession pour comprendre les raisons du retard.
Il peut arriver en effet que certains blocages du règlement de la succession ne puissent être résolus par le Notaire (contestation de testament, silence ou blocage d’un ayant droit, existence d’un testament léguant certains biens à d’autres personnes que les héritiers réservataires, désaccord sur la valeur des biens, etc.) .
L’obligation de déclaration de succession dans les 6 mois est applicable en son principe (même par exemple lorsque les successibles contestent la validité du testament laissé par le défunt.).
Ainsi, en principe, tout héritier apparent doit déclarer la succession dans le délai légal, même s'il n'a pas encore obtenu la délivrance de son legs ou si la dévolution héréditaire est contestée.
L'administration admet qu'une contestation des droits successoraux peut donner lieu à un report du délai visé à l'article 641 du CGI si elle présente les quatre caractéristiques suivantes :
- être une contestation judiciaire ;
- porter sur la dévolution successorale ;
- avoir été introduite dans les six mois du décès ;
Le point de départ du délai de l'article 641 du CGI est dès lors reporté à la date de la décision tranchant la contestation de manière définitive, les parties au litige en étant informées par le service.
BOFIP : ENR - Mutations à titre gratuit - Successions - Obligations déclaratives des redevables
- Délais pour souscrire la déclaration de succession
L’avocat vérifiera préalablement les exceptions à cette règle fiscale.
Il peut donc être utile de porter la difficulté par devant le Tribunal Judiciaire, ce qui n’empêche pas un règlement amiable en cours de procédure.
Chaque partie aura alors un Avocat, les courriers échangés entre eux sont par essence confidentiels ce qui facilitera les discussions en vue d’un éventuel accord puisque ces courriers ne peuvent être en aucune manière versés aux débats.
L’Avocat s’attachera en priorité à envisager une transaction car il est parfois plus sage de faire des concessions à un copartageant que de s’entêter à obtenir une part plus importante mais qui génèrera des droits de succession plus importants : pourquoi préférer faire un cadeau au fisc qu’à son frère ou sa sœur ?...
Mais quoiqu’il en soit , il faut consulter rapidement puisque l’action doit être en principe introduite devant le Tribunal dans le délai de 6 mois du décès pour pouvoir prétendre à reporter le délai de déclaration de succession et éviter les pénalités.
Auteur : Marie-Christine Vincent-Alquié
Cet article n'engage que son auteur.
Le 21 avril 2020, Madame DESCAMPS, députée du Nord, posait une question au Garde des Sceaux relative aux conditions d'attribution de la pension alimentaire due au titre du devoir de secours dans le cadre d’une procédure en divorce.
Aux termes du 6° de l'article 255 du code civil, le Juge aux affaires familiales fixe dans le cadre des mesures provisoires « la pension alimentaire (...) que l'un des époux devra verser à son conjoint ».
La députée indiquait dans sa question que :
« Cette pension alimentaire suppose que l'un des époux soit dans une situation de besoin et que l'autre ait les ressources suffisantes. La notion d'état de besoin, n'étant pas définie par loi, est sujette à de multiples interprétations. Aussi, elle lui demande de bien vouloir clarifier cette notion d'état de besoin. »
Une réponse ministérielle était rendue le 16 juin 2020 en ces termes :
« Aux termes de l'article 212 du code civil, les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance. Pour fixer le montant de la pension alimentaire au titre du devoir de secours due par un époux à son conjoint, dans le cadre des mesures provisoires de la procédure de divorce sur le fondement de l'article 255-6° du code civil, le juge aux affaires familiales doit apprécier le niveau d'existence auquel l'époux créancier peut prétendre en raison des facultés de son conjoint. En effet, la pension alimentaire au titre du devoir de secours ne se limite pas strictement à répondre à l'état de besoin de l'époux qui serait dans l'impossibilité d'assurer sa subsistance par son travail ou les revenus de ses biens, elle doit tendre, compte tenu de la multiplication des charges fixes incompressibles et des frais induits par la séparation, au maintien d'un niveau de vie aussi proche que possible de celui du temps de la vie commune. Elle a ainsi vocation à assurer un certain équilibre entre les trains de vie de chacun des époux pendant la durée de la procédure de divorce. »
Ce faisant le Garde des Sceaux rappelle que la pension alimentaire au titre du devoir de secours ne doit pas se limiter à une appréciation réductrice d’une situation de besoin.
Les décisions des Juges, sur le terrain, rappellent souvent la nature même de cette pension alimentaire qui n’est pas une aumône et ne dépend pas exclusivement d’un état de besoin :
« il est admis que cette pension alimentaire a non seulement pour but de fournir une aide financière à l’époux dont les revenus sont insuffisants pour vivre, mais également de maintenir le niveau d’existence auquel l’époux créancier peut prétendre en raison des facultés de son conjoint. »
Ce rappel est important, tant le devoir de secours ne doit pas, en raison de sa dénomination, être limité à l’appréciation d’une situation de besoin de l’époux bénéficiaire de la pension alimentaire au titre du devoir de secours.
Il appartient à l’avocat qui assiste l’époux créancier de ce devoir de secours (= celui qui en bénéficie) de rappeler avec force ce principe au Juge.
Auteur : Paul Blein
Cet article n'engage que son auteur.
Voilà bientôt une semaine que la France vit en situation de confinement généralisé. Les enfants ne vont plus à l’école, au sport, au conservatoire de musique. Ils ne vont pas plus chez l’orthophoniste ou même chez les grands parents. Dès le début de cette période inédite, une question s’est posée pour tous les parents séparés :
- Mes enfants vont-ils continuer le rythme de garde jusqu’alors en vigueur ?
- Peuvent-ils continuer à résider de manière alternée chez l’un et l’autre des parents et par voie de conséquence, changer de domicile une fois par semaine ?
- Peuvent-ils continuer à passer le weekend chez le parent qui n’a pas la résidence habituelle à son domicile ?
- Le métier exercé par l’autre parent (infirmier, médecin, policier, ASH, employé de grande surface, etc.) me dispense-t-il de suivre les modalités précédemment fixées ?
Pour l’heure, aucun des textes pris dans l’urgence ne vient remettre en cause les règles relatives à l’exercice de l’autorité parentale pour les enfants de parents séparés.
Ce d’autant plus que des communications des membres de l’exécutif ont précisé que la résidence alternée devait pouvoir se poursuivre tout en respectant le confinement.
Ainsi, en principe, les modalités de résidence et de droit de visite n’ont pas à pâtir de la situation actuelle.
Toutefois, il est bien des situations où l’application pratique de ce principe va se trouver confrontée à des obstacles matériels.
On pense tout d’abord à l’offre particulièrement diminuée de transports en communs pour assurer les déplacements des enfants qui sont en âge de se rendre seuls au domicile de l’autre parent.
On pense également aux cas où les distances entre les deux domiciles semblent incompatibles avec les possibilités de déplacement dérogatoires prévues par décret.
Par ailleurs, au regard de la situation actuelle, on imagine mal que le parent qui estimera ses droits bafoués, sur un plan légal à juste titre, puisse déposer plainte pour non présentation d’enfants.
Soit que le commissariat ne lui en laisse pas la possibilité au départ.
Soit que le parquet décide, a posteriori, de procéder à une vague de classement sans suite au regard du contexte très particulier de crise sanitaire sans précédent.
On peut également imaginer que le Conseil du parent en infraction saura soulever des moyens de défense originaux pour le cas om le Parquet poursuivrait finalement une infraction commise pendant le confinement (délit commis sur commandement de la loi, état de nécessité, etc.). En conclusion, il est fortement recommandé aux parents d’enfants séparés de prendre leurs décisions, en concertation, au regard de l’intérêt de leurs enfants, mais également de l’intérêt général.
Auteur : Paul Blein
Cet article n'engage que son auteur.
Contrairement à une idée bien répandue, surtout depuis l’affaire de Johny HALLYDAY, en France les enfants peuvent être déshérités par l’un de leur parent, au moins apparemment. Un père (ce peut être une mère mais, statistiquement, c’est moins répandu…) divorcé ou veuf se remarie et se trouve au moment du décès sous le régime de la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale des biens de la communauté au conjoint survivant.
Il décède et laisse donc à son décès son épouse en secondes noces, ses enfants issus de cette union et ceux issus d’une précédente union.
Que peuvent faire les enfants issus de la première union qui se retrouvent sans rien, pas même une succession ouverte chez un Notaire, puisque de par le jeu du régime de communauté universelle l’époux survivant se trouve attributaire de tous les biens ? L’action en retranchement leur est ouverte part l’art 1527 alinéa 2 du Code Civil, sachant que la réduction de l’avantage matrimonial se fera uniquement en valeur.
Art 1527 C.Civ : « Les avantages que l'un ou l'autre des époux peut retirer des clauses d'une communauté conventionnelle, ainsi que ceux qui peuvent résulter de la confusion du mobilier ou des dettes, ne sont point regardés comme des donations.
Néanmoins, au cas où il y aurait des enfants qui ne seraient pas issus des deux époux, toute convention qui aurait pour conséquence de donner à l'un des époux au-delà de la portion réglée par l'article 1094-1, au titre " Des donations entre vifs et des testaments ", sera sans effet pour tout l'excédent ».
Mais il ne faut pas se tromper de procédure et ne surtout pas assigner en demande de partage judiciaire de la succession, ce qui constitue somme toute un réflexe assez courant de l’Avocat qui n’y prête pas garde.
La COUR DE CASSATION vient de rappeler qu’il n’existe aucune indivision entre les enfants et la veuve et qu’en conséquence il n’y a pas lieu à partage judicaire.
Cass. 1re civ. 19 déc. 2018, n° 18-10.244, Publié au bulletin:
"Qu'en ordonnant le partage judiciaire de la succession de Pierre Y..., alors que les consorts Y... ne pouvaient revendiquer de droits indivis avec Mme X... sur les biens dépendant de la succession, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;"
Les enfants issus du 1er lit fondaient leur demande certes sur l’art 1527 alinéa 2 du Code Civil, savoir l’action en retranchement qui vise à limiter l’efficacité de l’avantage matrimonial à la quotité disponible spéciale entre époux mais demandaient également à tort d’ordonner en sus le partage judicaire de la succession.
Dans une situation similaire, certains enfants ont dû faire face à 11 ans de procédure, délai qui aurait pu se trouver largement abrégé :
En 2008, ils assignent la veuve en nullité du changement de régime matrimonial et demandent l’ouverture des opérations de comptes liquidation et le partage de la succession de leur père.
En 2010, le TGI les déboute de leurs demandes.
Ils lancent alors une nouvelle procédure en 2010 aux fins de voir reconnaître leur droit à une indemnité de retranchement en application des dispositions des articles article 1094-1 et 1527 al 2 du code civil assorti d’une demande de liquidation et partage judiciaire de la succession.
Le TGI leur donne raison en 2013 et la Cour d’Appel confirme la décision en 2015.
Pourvoi de la veuve : Arrêt de la Haute COUR le 7 .12.2016, publié au bulletin, qui casse partiellement et renvoie devant la CA de LYON, au motif qu’il n’existe pas d’indivision entre la veuve et les enfants : "Qu'en ordonnant le partage judiciaire de la succession de Charles X..., alors que les consorts X... ne pouvaient revendiquer de droits indivis avec Mme Y... sur les biens dépendant de la succession, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;"
(Cass. 1e civ. 7-12-2016 n° 16-12.216 FS-PB).
La Cour d’Appel de LYON, saisie sur renvoi, vient de statuer par arrêt du 14 mars 2019, sans surprise elle infirme sur le partage judiciaire,
"Infirme la décision en ce qu'elle a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation partage de la succession de KX
Et statuant à nouveau,
Dit bien fondé l'action en retranchement exercée par Z, A et LX, épouse Y
Avant dire droit sur la fixation de son montant, tous droits et moyens des parties réservés,
Ordonne une mesure d'expertise"
Ainsi donc, après 11 ans de procédure, les demandeurs ont enfin obtenu satisfaction mais en réalité ils ne sont pas au bout de leur peine puisqu’expertise a été ordonnée sur le montant de la réduction…
On peut leur souhaiter que la veuve ne décède pas en cours de procédure.
La Cassation aurait pu être évitée et les délais largement raccourcis si tout simplement leur action en retranchement n’avait pas été assortie d’une demande de partage judiciaire….
D’où la nécessité de consulter un avocat spécialisé en matière de succession pour parvenir à l’objectif recherché dans des délais raisonnables.
Auteur : Marie-Christine Vincent-Alquié
Cet article n'engage que son auteur.
Depuis le 1er janvier 2017, le nouveau divorce par consentement mutuel sans Juge est entré en vigueur.