Droit de la famille

Péremption d'instance : un poids en moins pour les avocats dans le parcours du combattant devant la Cour d'appel

Inutile de commenter ou paraphraser, la réponse de la Cour est claire et précise.

7 mars 2024
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-19.475

Deuxième chambre civile - Formation de section

PUBLIÉ AU BULLETIN

(4 arrêts du même jour)

n° 21-19.475  n° 21-19.761, n° 21-23.230 , n° 21-20.719 

 

Faut-il néanmoins se contenter de ce revirement en lisant :

« Que la demande de fixation de l'affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d'appel saisie se trouve dans l'impossibilité, en raison de rôles d'audience d'ores et déjà complets, de fixer l'affaire dans un délai inférieur à deux ans. »

Osons aller plus loin en soutenant le droit à être jugé dans des délais raisonnables puisqu’au visa de ce même article 6, § 1, de la Convention européenne, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable.

 

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles 2, 386, 908, 909, 910-4 et 912 du code de procédure civile, ces quatre derniers dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

6. Aux termes du troisième de ces textes, l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

7. Aux termes du deuxième, les parties conduisent l'instance sous les charges qui leur incombent. Il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.

8. Selon le quatrième de ces textes, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. Selon le cinquième, l'intimé dispose d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

9. Selon le sixième, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

10. Selon le dernier de ces textes, le conseiller de la mise en état examine l'affaire dans les quinze jours suivant l'expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l'affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l'article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l'avis des avocats.

11. Jusqu'à présent, la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d'appel avec représentation obligatoire, d'une part, que la péremption de l'instance d'appel est encourue lorsque, après avoir conclu en application des articles 908 et 909 du code de procédure civile, les parties n'ont pas pris d'initiative pour faire avancer l'instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation, en application de l'article 912 du code de procédure civile, des débats de l'affaire (2e Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281), d'autre part, que la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement en vue, au motif qu'elle n'entend pas répliquer aux dernières conclusions de l'intimé, de la fixation de l'affaire pour être plaidée, interrompt le délai de péremption de l'instance mais ne le suspend pas (2e Civ., 1er février 2018, pourvoi n° 16-17.618, Bull. 2018, II, n° 20).

12. Il y a toutefois lieu de reconsidérer cette jurisprudence.

13. En effet, postérieurement à l'arrêt précité du 16 décembre 2016, le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 a inséré, dans le code de procédure civile, un nouvel article 910-4 qui impose aux parties, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond.

14. Lorsqu'elles ont accompli, conformément notamment aux dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile, l'ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n'ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l'affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état.

15. À cet égard, il ressort des auditions réalisées sur le fondement de l'article 1015-2 du code de procédure civile auxquelles il a été procédé ainsi que des documents transmis en application de l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire que la demande de fixation de l'affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d'appel saisie se trouve dans l'impossibilité, en raison de rôles d'audience d'ores et déjà complets, de fixer l'affaire dans un délai inférieur à deux ans.

16. Il en découle que lorsque le conseiller de la mise en état n'a pas été en mesure de fixer, avant l'expiration du délai de péremption de l'instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d'interrompre le cours de la péremption.

17. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d'accomplir une diligence particulière.

18. L'arrêt relève qu'aucune diligence n'a été accomplie par l'une ou l'autre des parties depuis la remise des conclusions de l'appelante le 7 septembre 2020.

19. Si c'est conformément à la jurisprudence rappelée au paragraphe 11 que la cour d'appel en a déduit que la péremption était acquise, le présent arrêt qui opère revirement de jurisprudence, immédiatement applicable en ce qu'il assouplit les conditions de l'accès au juge, conduit à l'annulation de l'arrêt attaqué.

20. En conséquence, il y a lieu à annulation de l'arrêt attaqué.

 

Auteur : Marie-Christine Vincent-Alquié

Droit de la famille

Bail d’habitation : divorce et paiement des loyers

Le devenir du logement familial dans le cadre d’un divorce est une interrogation récurrente, d’autant plus lorsque le logement est un bien en location.

Quand bien même la séparation interviendrait avant le prononcé du divorce, les loyers sont des dettes ménagères dont les deux conjoints sont solidairement responsables en termes de paiement.

La Cour de cassation a pu le rappeler classiquement dans son arrêt du 11 janvier 2024 (Cass Civ 3, 11 janvier 2024, n° 22-10.525) (II)

Mais la Haute juridiction a également pu préciser la nature juridique des indemnités d’occupations, qui ne sont pas assimilables à des dettes ménagères, lorsqu’un seul des époux se maintient dans le logement après la résiliation du bail (III).

 

I.               Le cas d’espèce

Au cas d’espèce, le 9 août 2012, des bailleurs ont donné à bail une maison à usage d’habitation à des époux.

L’épouse a quitté le domicile familial peu de temps après, à la fin de l’année 2012.

Plusieurs années se sont écoulées avant que les bailleurs ne fassent délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail.

Le 19 janvier 2018, ils faisaient délivrer un congé avec offre de vente aux époux.

L’époux assignait alors les bailleurs en suspension des effets de la clause résolutoire ainsi qu’en nullité du congé délivré. Les bailleurs appelaient l’épouse à la cause et sollicitaient, à titre reconventionnel :

-        La résiliation du bail par effet de la clause résolutoire ;

-        La validation du congé ;

-    Le prononcé de l’expulsion des occupants et leur condamnation au paiement des loyers impayés et des indemnités d’occupation dues à compter de la résiliation du bail jusqu’à la libération effective des lieux.

Le 19 juin 2020, un procès-verbal de reprise des lieux était finalement dressé.

Le 30 septembre 2021, le divorce des époux était prononcé, soit près de 9 ans après la date de séparation.

Le 24 novembre 2021, la Cour d’appel de Lyon condamnait solidairement les ex-époux au paiement d’une somme au titre des loyers et des indemnités d’occupation impayés, au visa des articles 1751 et 262 du Code civil.

L’épouse s’est pourvue en cassation, et contestait le caractère ménager de l’indemnité d’occupation générée par le mari seul, postérieurement à la résiliation du bail. Elle estimait qu’il n’existait pas de solidarité passive entre époux concernant ces indemnités.

 

 

II.              Les loyers : des dettes ménagères pesant solidairement sur les époux 

Tant que le divorce n’a pas été prononcé, le bail appartient aux deux époux même si l’un d’eux seulement a signé le contrat (article 1751 alinéa 1 du Code civil).

En conséquence, aucun des époux ne peut résilier seul le contrat de location et, à l’inverse, le congé du propriétaire doit être notifié à chacun des époux. C’est une garantie qui permet de protéger les deux époux.

Toutefois, cela implique également que, jusqu’à la transcription du divorce en marge des registres d’état civil, les loyers constituent des dettes ménagères pour lesquelles les époux sont tous deux solidairement responsables des paiements, même si le propriétaire a été averti de la résidence séparée (Cass Civ. 3, 31 mai 2006, n° 04-16.920).

Le propriétaire peut donc parfaitement réclamer le paiement des loyers à l’époux qui n’habite plus dans les lieux.

C’est notamment ce que rappelle la Troisième chambre civile dans son arrêt du 11 janvier 2024.

 

III.            La distinction des loyers et des indemnités d’occupation 

Toutefois, il n’en est pas de même concernant les indemnités d’occupations générées par le maintien d’un seul des époux dans le logement après résiliation du bail.

En effet, il avait déjà été jugé que l’indemnité d’occupation due après résiliation du bail n’est pas une dette ménagère si un seul des deux époux est resté dans les lieux.

Qu’ainsi, lorsque l’épouse quitte les lieux et en avertit le bailleur avant la résiliation du bail, seul le mari est redevable de l’indemnité d’occupation due après résiliation (Cass. Civ 1, 17 mai 2017, n° 16-16.732).

C’est donc classiquement que la troisième chambre civile de la Cour de cassation est venue réaffirmer cette distinction dans son arrêt du 11 janvier 2024.

 

Auteur : Roxane Veyre

Legs en usufruit consenti à un concubin ou à un partenaire de pacte civil de solidarité (PACS) en présence d'enfant réservataire

Il est de pratique courante pour assurer la protection de son partenaire pacsé ou de son concubin en cas de décès d’établir un testament léguant l’usufruit d’un appartement ou d’un maison dont seul le testateur est propriétaire et qui constitue la plupart du temps le logement du couple : cela permet au compagnon survivant de conserver gratuitement son lieu de vie jusqu’à son décès mais au disposant de transmettre son patrimoine immobilier en nue-propriété à son (ses) enfant généralement issu(s) d’une autre union. Un des autres arguments notables mis en avant est que le bénéficiaire du legs en usufruit en application de l'article 796-0 bis du Code général des impôts, en tant que partenaire lié au défunt par un pacte civil de solidarité est exonéré de droits de mutation par décès.
Cette disposition fiscale ne s’applique pas cependant au concubin.

Bien souvent l’actif successoral est constitué de quelques liquidités et d’un immeuble, celui affecté par l’usufruit.

Ce legs d’usufruit peut s’avérer totalement problématique pour les enfants issus d’une autre union qui ont la qualité d’héritiers réservataires et sont redevables la plupart du temps à ce titre de droits de succession.
Il leur est parfois impossible, faute de liquidités suffisantes à la succession, de régler ces droits.
Et puis dans certains cas l’âge respectif de chacune des parties rend totalement incertain le moment où enfin l’usufruit va s’éteindre …. Quelle est en ce cas la solution envisageable pour eux ? Premier point à vérifier : leur réserve est-elle atteinte ? Les Notaires en charge de la succession commettent souvent l’erreur d’appliquer la méthode consistant à valoriser l’usufruit par le biais d’une simple évaluation du droit démembré selon le barème fiscal, une telle solution ne permet  pas alors à l’héritier réservataire, de bénéficier de «l’intangibilité» de sa réserve héréditaire : la valeur de l’usufruit légué, évaluée par le  Notaire en pourcentage de la valeur de la pleine propriété du bien au vu de l’âge de l’usufruitier , se trouve souvent  inférieure à la valeur de la quotité disponible.

L’enfant se croit donc devant le fait accompli alors qu’il a le droit de jouir et de disposer des biens compris dans sa réserve.

Il est en effet de jurisprudence constante qu’il résulte de l'article 913 du Code civil, qu'aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi.

Ainsi la Cour de cassation, a jugé :

« Dès lors, viole ce texte, la cour d'appel qui rejette une action en réduction d'un legs en usufruit, ayant pour effet de priver l'héritier réservataire du droit de jouir et de disposer des biens compris dans sa réserve. 
Cass. Chambre civile 1, 19 mars 1991, 89-17.094, Publié au bulletin
  La méthode de calcul en assiette pour vérifier l’atteinte à la réserve : Cette jurisprudence a été reprise en son principe en 2022 par la Cour de cassation mais la Haute Cour a donné des précisions sur le mode de calcul de la réserve par imputation d’un legs en usufruit qui doit être faite non après conversion en valeur pleine propriété, mais en assiette.

La Cour de cassation en son arrêt du 22 juin 2022 décide ainsi :
« Vu les articles 913 et 919-2 du code civil :
 Il résulte du premier de ces textes qu'aucune disposition testamentaire ne peut modifier les droits que les héritiers réservataires tiennent de la loi.
Aux termes du second, la libéralité faite hors part successorale s'impute sur la quotité disponible. L'excédent est sujet à réduction. Il s'en déduit que les libéralités faites en usufruit s'imputent en assiette.
 Pour rejeter la demande en réduction du legs formée par Mme [E] [U], l'arrêt retient que la valeur de l'usufruit du bien immobilier légué à Mme [V], estimé à soixante pour cent de sa valeur en pleine propriété, est inférieure au montant de la quotité disponible. 
En statuant ainsi, alors que l'atteinte à la réserve devait s'apprécier en imputant le legs en usufruit sur la quotité disponible, non après conversion en valeur pleine propriété, mais en assiette, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

(Cour de cassation 22 juin 2022 n° 20-23.215 Première chambre civile Publié au Bulletin

Cet arrêt a été largement commenté et la solution était préconisée depuis longtemps par la doctrine.

Mais …. Réduction en valeur : Une fois le calcul en assiette effectué, s‘il s’avère que le legs est excessif, parce qu'il empiète sur l'usufruit de la réserve de l’enfant réservataire, cette fraction du patrimoine successoral ne peut pas être attribuée par libéralité au partenaire non marié du défunt, il faut dès lors procéder à une réduction en valeur du legs en usufruit.

On aboutit alors à déterminer une indemnité de réduction au profit de l’enfant héritier réservataire.
La réduction se fait en valeur.
Le partenaire ou concubin pourra exercer son droit d’usufruit sur l’intégralité du bien légué en usufruit mais il devra verser à l’héritier réservataire une indemnité de réduction correspondant à la fraction réductible de son legs.
  Si le légataire ne peut verser l’indemnité de réduction :  La solution peut encore n’être pas satisfaisante pour l’enfant si le partenaire n’a pas les moyens financiers de régler et …qu’il est jeune et bien portant !

S’offre alors à lui l’option de l’article 917 du Code Civil :
Si la disposition par acte entre vifs ou par testament est d'un usufruit ou d'une rente viagère dont la valeur excède la quotité disponible, les héritiers au profit desquels la loi fait une réserve, auront l'option, ou d'exécuter cette disposition, ou de faire l'abandon de la propriété de la quotité disponible.

L’option de l’article 917 n’est soumise à aucune condition de forme.
Elle n’est enfermée dans aucun délai.
A condition que le legs soit exclusivement en usufruit, cette option peut être choisie par l’enfant et exercée si aucun accord amiable n’est possible

Sachant qu’il n’obtiendra jamais le versement de l’indemnité de réduction par le bénéficiaire du legs, l’enfant héritier réservataire qui ne veut ou ne peut attendre le décès du légataire peut dès lors décider qu’il n’entend pas au vu des faits de l’espèce exécuter le legs en usufruit et il peut choisir de faire abandon de la propriété de la quotité disponible. L’existence d’une indivision : Ressort qu’au vu de l’option exercée par l’héritier réservataire en application des dispositions de l’article 917 du Code civil que les parties se trouvent alors en situation d’indivision dans le cadre de la succession de sorte que la demande d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage peut être formée au visa de l’article 815 du Code civil et de l’impossibilité pour les parties d’accéder à un partage amiable.

L’héritier réservataire peut donc engager une action en partage judiciaire et demander au Tribunal à voir ordonner la cessation de l’indivision existante. 

Si le bien immobilier n’est pas partageable en nature et qu’aucun des indivisaires ne peut financièrement verser une soulte lui permettant de se faire attribuer la pleine propriété du bien, il peut être demandé la vente sur LICITATION par devant le Tribunal judiciaire.
Le prix de vente pourra alors être partagé par le Notaire entre l’héritier réservataire (sa réserve) et le légataire (la quotité disponible).

Cette solution doit être envisagée au vu des éléments du dossier, notamment patrimoniaux, et également de l’âge des parties et leur situation de fortune, et après avoir tenté un accord amiable.

Il est vivement conseillé que chacune des parties soit assistée par un avocat spécialiste en droit patrimonial des successions.


Attention, cet article ne vaut que pour les legs au concubin ou au partenaire pacsé, il ne peut s’appliquer dans le cas d’un conjoint survivant marié.

 

Auteur : Marie-Christine Vincent-Alquié
Cet article n'engage que son auteur.

Le droit de visite et d’hébergement des grands-parents

Classiquement, et selon les termes de l’article 371-1 du Code civil, l’autorité parentale appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant. Pour autant certains tiers peuvent se voir reconnaitre et garantir des droits vis-à-vis de l’enfant. En effet, les grands-parents occupent une place particulière qui peut parfois être mise à mal en raison de conflits familiaux. Le Code civil et la jurisprudence sont venus garantir et encadrer les droits des grands-parents vis-à-vis de l’enfant mineur.  
Néanmoins, l’intérêt supérieur de l’enfant prime toujours sur les droits que pourraient revendiquer les grands-parents à son égard.  La reconnaissance du droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant  Aux termes de l’article 371-4 du Code civil : 

« L'enfant a le droit d'entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l'intérêt de l'enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit.
Si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables ».

La rédaction de cet article permet de comprendre que le fait d’entretenir des relations avec ses ascendants est un véritable droit de l’enfant. Cela signifie que l’exercice de l’autorité parentale ou le droit de surveillance des parents ne les autorise pas à faire obstacle à ce droit sans raison valable.  La compétence du Juge aux affaires familiales pour faire respecter les droits des grands-parents  Il arrive souvent qu’en raison de désaccords familiaux entre les parents et les grands-parents, ou en cas de séparation des parents, les droits des grands-parents ne soient pas respectés. Dans de nombreuses situations, les liens sont rompus et sont source de souffrance à la fois pour l’enfant et pour ses ascendants. 

Si tel est le cas, les grands-parents ont la possibilité de saisir le Juge aux affaires familiales pour solliciter la mise en place d’un droit de visite et d’hébergement vis-à-vis de l’enfant et/ou l’établissement d’un droit de correspondance. 

Le Juge aux affaires familiales compétent est celui-ci du lieu où demeure l’enfant. 
La demande se fait par voie d’assignation et il convient de mettre en cause les deux parents. 
La représentation par avocat est obligatoire et l’avis du ministère public est requis (article 1180 du Code de procédure civile). 

Pour lui permettre d’avoir connaissance de la situation familiale, le Juge peut ordonner une enquête sociale, procéder à l’audition de l’enfant ou encore proposer une médiation. 

Si l’intérêt de l’enfant ne s’y oppose pas, un droit de visite et/ou d’hébergement est accordé et un droit de correspondance peut être prévu. Des droits encadrés et conditionnés à l’intérêt supérieur de l’enfant  Les droits des grands-parents ne sont pas pour autant automatiques. 

En effet, la rédaction même du texte de l’article 371-4 du Code civil renvoie aux droits de l’enfant et non aux droits des grands-parents. L’intérêt supérieur est donc prioritaire. Cela signifie que si la demande des grands-parents s’oppose à l’intérêt supérieur de l’enfant, elle pourra être refusée. 

Le Juge aux affaires familiales apprécie souverainement si l’intérêt de l’enfant s’oppose à la demande formulée par les grands-parents (Cass. Civ. 1, 13 décembre 1989, n° 87-20.205 et Cass. Civ. 1, 14 janvier 2009, n° 08-11.035).

Ainsi, à titre d’exemple, il a pu être jugé que l’existence d’un conflit, même important, entre les parents et les grands-parents ne constitue pas nécessairement un motif faisant obstacle aux relations avec les petits-enfants (Cass. Civ. 1, 13 juin 2019, n° 18-12.389). 

Toutefois, dès lors que le conflit met en péril l’équilibre psychologique de l’enfant et affectif de l’enfant le droit de visite et d’hébergement peut être refusé. Par exemple, il a pu l’être pour une grand-mère qui présentait une animosité non dissimulée et une attitude procédurière à l’égard de sa belle-fille qui aurait pu porter atteinte à l’équilibre de l’enfant (Cass. Civ 1, 26 juin 2019, n° 18-19.017).

L’appréciation se fait donc in concreto, au cas par cas. 

Si le Juge aux affaires familiales considère qu’un droit de visite et d’hébergement n’est pas dans l’intérêt de l’enfant, il peut encadrer les visites des grands-parents en exigeant que les rencontres aient lieu dans un espace de rencontre ou en présence d’un tiers. 

Le Juge aux affaires familiales dispose donc d’une place centrale pour rétablir les droits des grands-parents, tout en assurant que ceux-ci sont compatibles avec l’intérêt supérieur de l’enfant. 

 

Auteur : Roxane Veyre
Cet article n'engage que son auteur.