Mensualités d'emprunt non payées: la fin d'une belle époque!
De plus en plus nombreux sont les clients franchissant les portes d’un cabinet d’Avocat suite à des difficultés de paiement de leur emprunt. Exemple classique :
- Une mensualité puis plusieurs mensualités ne sont pas honorées par l’emprunteur particulier.
- Lettres et mises en demeure reçues
- Puis courrier RAR prononçant la déchéance du terme, ce qui signifie en clair que la totalité du capital restant dû est exigible par la Banque
- Puis mesures d’exécution.
C’est généralement à ce moment que l’emprunteur prend rendez-vous chez un Avocat pour voir comment se sortir de cette situation.
Jusqu’alors, certains emprunteurs ne pouvaient que se réjouir de n’avoir pas obtempéré en temps et en heure et surtout d’avoir consulté !
En effet , jusqu’alors, selon une jurisprudence, fixée depuis un arrêt de la Cour de Cassation en date du 10 juillet 2014 (Civ. 1re, 10 juill. 2014, n° 13-15.511) le point de départ du délai de prescription (deux ans) se situait au jour de la date du premier incident de paiement non régularisé, ce qui permettait au Conseil de l’emprunteur de soulever cette prescription dans le cadre de la procédure de recouvrement mise en place par la Banque souvent tardivement, car précédée de nombreux courriers qui n’interrompaient pas la prescription .
Ce qui aboutissait à ce que la Banque ne pouvait plus prétendre à remboursement !
Le travail de l’Avocat en amont était donc de vérifier si son client, impressionné par les lettres de mise en demeure, n’avait pas (malheureusement) régularisé et il devait aussi en ce cas vérifier à quelle date la situation s’était de nouveau dégradée. Vérifier également les délais écoulés depuis le prononcé de la déchéance du terme.
Les établissements bancaires étaient devenus beaucoup plus vigilants en raison de cette jurisprudence mais les dossiers encore nombreux et suivis de succès pour les emprunteurs.
Mais c’est sans compter la sagacité des Avocats, cette fois de l’autre côté de la barre : du côté de la Banque.
Preuve en étant les quatre espèces examinées par la Cour de cassation qui a opéré un revirement total de sa jurisprudence par une série de quatre arrêts le 11 février 2016.
Au visa des articles L. 137-2 du code de la consommation, et 2224 et 2233 du Code civil la Cour de Cassation énonce dans ces quatre décisions :
Attendu qu’à l’égard d’une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que, si l’action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d’échéance successives, l’action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme, qui emporte son exigibilité ;
Pour l’Avocat du débiteur, la tâche sera donc plus ardue et pour le débiteur le résultat moins heureux sans doute…
Il faudra prendre chaque échéance individuellement et vérifier pour chacune la prescription de deux ans.
Le capital restant dû n’est pas exigible sauf déchéance du terme.
En cas de prononcé de la déchéance du terme, la demande en justice devra intervenir avant le délai de deux ans à compter de la date à laquelle la Banque a prononcé la déchéance du terme.
Au lendemain de ces décisions, on ne peut que s’interroger sur la volonté réelle actuelle de protection du consommateur, les négligences de traitement des Banques n’ayant plus les mêmes conséquences à son égard.
Civ 1.11 février 2016 N° de pourvoi: 14-22938
Civ 1.11 février 2016 N° de pourvoi: 14-28383
Civ 1.11 février 2016 N° de pourvoi: 14-27143
Civ 1.11 février 2016 N° de pourvoi: 14-29539
Auteur : Marie-Christine Vincent-Alquié
Cet article n'engage que son auteur.