L'interprétation d'un jugement définitif

Lorsqu’un jugement est rendu, il devient définitif dès lors que les voies de recours ont été épuisées ou que les délais de recours ont expiré. Aux termes de l’article 480 du Code de procédure civile, tout jugement définitif a autorité de chose jugée dès son prononcé. 
L’autorité de chose jugée implique de facto un dessaisissement du juge, qui n’a plus l’opportunité de revenir sur sa décision. 
Mais qu’en est-il lorsqu’un jugement définitif présente des difficultés quant à son interprétation ? 
Quelles voies de recours s’offrent aux parties pour leur permettre d’obtenir une interprétation d’une décision pourtant définitive ? 
Si le juge ayant rendu une décision définitive peut être saisi par les parties d’une requête en interprétation, cette faculté est strictement limitée et encadrée.  
  Le pouvoir d’interprétation du juge tiré de l’article 461 du Code de procédure civile  Selon l’article 461 du Code de procédure civile « Il appartient à tout juge d’interpréter sa décision si elle n’est pas frappée d’appel ».

Ainsi, les parties ont la possibilité d’effectuer une requête en interprétation. Cette requête est faite devant la juridiction qui a rendu la décision en question. 

La recevabilité de la requête est soumise à deux conditions : 

- La décision ne doit pas être frappée d’appel : elle doit être définitive ; 
-  La décision doit être obscure : lorsqu’elle est comprise de différentes manières, qu’elle est ambiguë (Cass. Civ. 1, 2 avril 2008, n° 07-11.890 FS-P+B). A défaut, la requête en interprétation sera rejetée (Cass. Soc. 18 novembre 1982, n° 82-42.405, Publié au bulletin).
  Un pouvoir strictement limité et encadré  Il appartient au juge, saisi d’une requête en interprétation, d’apprécier la nécessité de procéder à l’interprétation. 
De la même manière, il dispose d’un pouvoir souverain pour effectuer cette interprétation (Cass. Civ. 2, 7 novembre 2019, n° 18-18.364 F-D). 

Il faut bien garder à l’esprit que l’interprétation de la décision ne peut conduire à la remettre en cause ou à solliciter sa réformation, mais seulement à rectifier des « malfaçons mineures ». 

La Cour de cassation l’a récemment rappelé dans un arrêt rendu par la deuxième chambre civile le 22 octobre 2020 (Cass. Civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-16.895, F-P+B+I). La Haute Cour a ainsi souligné que les juges saisis d’une contestation relative à l’interprétation d’une précédente décision ne peuvent, sous le prétexte d’en déterminer le sens, modifier les droits et obligations reconnus aux parties par ces décisions. 

Aussi, la requête en rectification ne saurait donner lieu à une nouvelle instance et modifier les droits et obligations des parties. Elle permet seulement au juge de préciser les termes de sa décision, de l’expliciter et d’en fixer le sens. 
Une modification des droits et obligations des parties porterait atteinte au caractère définitif du jugement et à l’autorité de chose jugée qui est la sienne. 

Le juge saisi d’une requête en interprétation doit donc s’astreindre à ne pas ajouter aux termes de sa décision et se cantonner à éclairer sur le sens desdits termes, à défaut de quoi, il outrepasserait ses prérogatives. 

 

Auteur : Roxane Veyre
Cet article n'engage que son auteur.