Prestation compensatoire : exclusion des sommes versées au titre du devoir de secours

Le devoir de secours entre époux mariés est une obligation posée par le Code civil qui s'applique tout au long du mariage. Ce n’est toutefois qu’à l’occasion de la procédure de divorce que cette obligation se concrétise : pension alimentaire, jouissance d’un bien à titre gratuit, prise en charge du passif sans comptes ultérieurs, etc. Les formes sont diverses et visent toutes un objectif commun : préserver le train de vie de l’époux qui en bénéficie pendant le temps de la procédure en divorce

Il est de jurisprudence constante, affirmée et réaffirmée avec force par la Cour de cassation, que dans le cadre des débats relatifs à l’octroi d’une prestation compensatoire, en son principe et en son montant, les juges du fond ne doivent pas prendre en considération les sommes perçues par l’époux demandeur à la prestation compensatoire en exécution du devoir de secours.

En effet, et c’est là une explication parfaitement logique, le devoir de secours n’est qu’une obligation temporaire pendant le temps de la procédure en divorce qui s’éteindra au jour où ce dernier sera passé en force de chose jugée

Pour déterminer le montant de la prestation compensatoire, les juges du fond doivent prendre en considération différents critères qui sont listés par l’article 271 du code civil, lequel est rédigé de la manière suivante : 

« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. 
A cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage ;
- l'âge et l'état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »

Les sommes perçues par l’époux auquel il est attribué un devoir de secours n’ont pas à être prises en considération, que ce soit en termes de revenus, ces sommes n’ayant pas vocation à perdurer une fois le divorce prononcé, ou bien que ce soit dans l’appréciation de ce qui pourrait constituer une forme d’avance sur prestation compensatoire, ce qui est une rhétorique tentante pour l’époux débiteur du devoir de secours lorsque la procédure s’éternise.

La décision de la Cour de cassation, Cass. 1re civ., 21 sept. 2022, n° 21-10.526, est à cet égard parfaitement conforme à sa jurisprudence en la matière et l’arrêt de la Cour d’appel de Pau, dans lequel notre cabinet représentait l’épouse demanderesse à la prestation compensatoire, devait nécessairement être cassé à cet égard.

Au demeurant l’arrêt est également cassé pour ne pas avoir répondu à une partie des conclusions développées par notre cabinet, lesquelles avaient vocation à interférer sur le résultat des opérations de liquidation des intérêts patrimoniaux des ex-époux.

C’est donc une double cassation qui est prononcée et la Cour d’appel devra corriger sa copie pour se conformer, au moins sur le plan rédactionnel, à la jurisprudence de la Cour de cassation.

 

Auteur : Paul Blein
Cet article n'engage que son auteur.