Le Tour d’échelle, ou comment pénétrer chez son voisin pour effectuer des travaux chez soi ?

On entend régulièrement parler du droit ou de la servitude de tour d’échelle. De quoi s’agit-il ?
C'est la construction juridique qui autorise le voisin à pénétrer sur son fond (chez soi), lorsque par exemple, cela est indispensable pour réparer un mur privatif construit à la limite de propriétés, ou un toit (travaux de crépi, ravalement, échafaudage, gouttières …).

Une telle servitude n'est pas inscrite dans le Code civil, cependant elle a été consacrée par la jurisprudence.

Si, compte tenu du droit de propriété, il n'est pas possible d'obliger le voisin à consentir une telle servitude, un propriétaire ne peut s’y opposer lorsque certaines conditions sont réunies :

 

  • Il doit s'agir d'une réparation bien que certaines décisions l'accordent également pour les constructions nouvelles.
  • Les travaux projetés doivent être indispensables, imposés par une décision administrative, ou pour préserver l'ouvrage et éviter une dégradation.
  • Il doit être constaté l’impossibilité d'effectuer les travaux sans passer chez autrui, mais il ne peut s'agir d'une simple commodité ou d'une solution plus économique.


Cependant il ne s'agit pas d'une servitude au sens légal du terme puisqu’aucun droit ne nait sur le fond voisin.

Ainsi l'étendue de ce droit doit être appréciée de manière raisonnable, au titre des bonnes relations de voisinage.

Ce n'est donc qu'une autorisation temporaire et lorsqu'elle est donnée, le mieux est d'en définir les modalités de passage (la fréquence, l'assiette, la largeur, les véhicules ou les personnes autorisées, la durée et éventuellement l'indemnisation si le passage provoque un trouble ou des dégâts).

S'il ne s'agit pas d'un droit, le voisin sur le fond duquel il est demandé le passage ne peut pour autant pas s'y opposer au risque de voir son refus dégénérer en abus et de se voir condamner à des dommages et intérêts, comme vient de le rappeler la Cour de cassation :

Mais attendu qu'ayant constaté que les travaux étaient nécessaires à la finition de l'ouvrage et qu'il n'existait qu'une seule possibilité de pose d'un échafaudage sur une bande de terrain situé entre les deux habitations en vue de crépir le mur de la villa appartenant à M. K..., la cour d'appel, abstraction faite du motif surabondant relatif à l'intérêt visuellement esthétique que cette intervention présentait pour M. V..., en a souverainement déduit que la demande devait être accueillie ;
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 mars 2020, 18-25.996

Si les bonnes relations de voisinage ne vous permettent pas de vous entendre, alors allez consulter un avocat.

Attention, car une telle création jurisprudentielle n'est pas applicable aux ouvrages mitoyens dont le régime diffère, et encore faut il que les limites de propriétés soient clairement établies …

 

Auteur : Nicolas Michelot
Cet article n'engage que son auteur.